« Non, je ne m’exprimerai pas sur moi. C’est de la pudeur, il faut me comprendre. En cette période où de nombreuses familles connaissent des deuils, et qui voit le personnel soignant se battre contre ce virus, ça me paraîtrait déplacé, narcissique et superficiel. Et puis de toute façon, ça ne se fera pas avant la fin de tout ça, et pas avant le renouvellement des conseils municipaux et intercommunaux. »
Alors, pour dresser le portrait de Jean-Paul Durieux, qui va donner ses nom et prénom à la médiathèque intercommunale de Longwy, sur décision de la communauté d’agglomération de Longwy (CAL), il faut aller chercher les informations ailleurs. Dans les livres La Gauche du père , de Dominique Da Costa, et Longwy, de la gueule, j’en suis , de Guy-Joseph Feller, tous les deux parus aux éditions Paroles de Lorrains et qui en offrent un portrait assez précis. Mais également auprès de ses proches et amis.
On apprend que Jean-Paul Durieux est issu d’une famille chrétienne appartenant à la bourgeoisie de Dordogne, qu’il est né le 7 novembre 1929 à Paris d’un père fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères et qu’il a passé son enfance à l’étranger, au Liban ou en Finlande par exemple. Pour compléter le tableau, il est intéressant de signaler que l’un de ses grands-pères était militaire et camarade d’Alfred Dreyfus, qu’il soutint durant la fameuse affaire.
Son père est mort en 1945, obligeant le jeune Jean-Paul, « coincé entre [s]es deux sœurs », à devenir ce que lui-même qualifie de « soutien de famille ».
Après des études de droit à Paris, durant lesquelles ce « chrétien de gauche » s’engagera au sein de l’aumônerie animée par des dominicains, un ami lui parle de la sidérurgie longovicienne qui recrute. Longwy : il connaît cette ville pour y être passé plusieurs fois sur la route des vacances entre Liège, où travaillait son père, et la Dordogne. Il se rend dans le Pays-Haut en février 1956 pour être embauché à Usinor comme cadre supérieur.
« Je pensais ne rester que quelques années, mais finalement, je me suis enraciné ici », confie-t-il. Il se passionne pour ce monde des usines, tisse des liens forts, rencontre Élisabeth, celle qui va devenir sa femme, et se met à militer à la CFTC, puis à la CFDT. En résumé : il ne suit pas le chemin « classique » d’un cadre et se détourne du syndicat CGC, qu’il considère comme du corporatisme. « Pire » : il rejoint le Parti socialiste dans les années 1970, tendance Parti socialiste unifié. Lors des événements liés à la crise de la sidérurgie, il est donc à la CFDT, qui fait parler d’elle pour son anarcho-syndicalisme et ses opérations coup-de-poing.
En 1981, ce militant du Mouvement des ingénieurs et chefs d’industrie d’action catholique commence sa carrière politique en étant élu député durant la vague rose. Après avoir battu un communiste, Antoine Porcu, il en battra un deuxième en 1989, Jules Jean, grâce au soutien de la droite de l’UDF, pour prendre la mairie de Longwy, qu’il quittera 17 ans plus tard.
Ses adversaires politiques diront de lui qu’il fut un cumulard : député, maire, conseiller général, président du District, l’ancêtre de la CAL. Et qu’il ne fut pas bien inspiré au moment de soutenir l’implantation des usines-tournevis comme Daewoo sur le pôle européen de développement, qui prirent des sommes considérables d’argent public avant de délocaliser. « Mais quand vous vous noyez, vous vous raccrochez à n’importe quelle branche », expliquait-il lors d’une cérémonie en 2017.